Samedi 26 avril
Temps gris sur Montpellier/LFMT.
Le prévisionniste nous montre le front froid qui arrive de l’ouest, va passer sur le Roussillon puis le Languedoc: «Demain, beau temps assuré. Aujourd’hui, vous pourriez partir, mais…» Les 3 pilotes, Aurélie, Jeannot et Jean-François expliquent à Nicole, la seule passagère, qu’il vaudrait mieux différer le départ. Le PA 28 Charlie Echo bichonné par José, le mécano de l’aéro-club de l’Hérault est prêt.
Modification de programme: nous avion prévu Montpellier-Rome le samedi et une soirée à Rome. Ce sera départ dimanche: Montpellier-Rome, escale technique à Rome puis Rome Corfou.
Nous expliquons cela à Jacques Hégédus, le chef pilote, qui vient de se poser. Il rit: «Vous auriez tort de ne pas partir maintenant: je reviens de Hyères. Vous restez sous la couche à 1000 pieds jusqu’à Aigues-Mortes (20 NM de LFMT) et ensuite vous pouvez monter: c’est du grand bleu!» Nouveau briefing, plus optimiste: on sort l’avion.
Aurélie s’installe aux commandes, première destination : Roma Urbe (LIRU). Le vieux rêve prend tournure : les îles grecques.
Aigues-Mortes, transit côtier Marseille, montée en niveau dans le ciel bleu annoncé par Jacques vers le VOR de Saint-Tropez, cap au large vers la grande bleue, en rapprochement du VOR de Bastia, et rapidement le golfe de Saint-Florent, verticale BTA, puis le point MOULE (drôle de nom!), et nous voilà en Italie. L’île d’Elbe n’a probablement pas grand chose à envier en beauté à d’autres îles de la Méditerranée, mais la pensée du commandant de bord et des deux autres pilotes est déjà braquée sur la première difficulté du voyage: le cheminement VFR vers Rome et la procédure de Roma Urbe.
Ceux qui connaissent l’Italie le savent: les zônes A, interdites aux VFR, sont nombreuses et imbriquées. Les cheminements VFR passent soit en basse altitude, sous les zones A, soit, particularité italienne, dans les zones A!
Lors de la préparation du voyage (fastidieuse, merci Aurélie), nous avions bien pris tous les relèvements des points de report, entré dans les 2 GPS portables qui complétaient les 2 VOR, le radio-compas et le GPS de l’avion.
En fait les points VFR sont des villes ou villages assez caractéristiques qui nous ont emmenés sans trop de difficultés vers l’aérodrome de Roma Urbe et sa procédure en tire-bouchon un peu complexe. La procédure à la sortie de l’avion est, elle aussi, quelque peu difficile à comprendre dans notre italien approximatif: police, aviation générale pour remplir un papier que l’on ramène à la police afin d’obtenir le document qui permet de retourner à l’aviation générale pour payer, puis détour par les pompiers (à payer), avant de sortir de l’aéroport pour une soirée romaine. Le bonheur se mérite: trouver une chambre à Rome un samedi soir est une gageure (est-ce par superstition que nous n’avions rien réservé ?) Un bon tuyau : se rendre dans la superbe gare centrale où il existe un service très efficace de réservation immédiate. La soirée dans Rome est un premier grand moment: les fontaines illuminées, les rues piétonnes grouillant de monde, les trattorias, la piazza Navone, la piazza de Espana… et quelques miles nautiques parcourus à pied pour rentrer à l’hôtel car les taxis sont une denrée rare à Rome.
Dimanche 27 avril
Retour à Roma Urbe, destination Corfou. Le temps est un peu brumeux et le cheminement VFR sud doit être prudent car les obstacles montagneux à droite du cheminement VFR sont bien plus hauts que les altitudes maximales autorisées. Nous avions en plus compliqué la difficulté en prenant une route vers Naples. Heureuse idée car, après la verticale terrain de Naples, la vue sur la baie de Naples en contournant l’imposant Vésuve est superbe. Avec en prime un cadeau imprévu, car le site n'est pas sur les cartes aéronautiques: le survol de Pompéi qui valait bien, après autorisation, un 360° historique. Vers Salerne se situait la première vraie difficulté: Salerne est entourée de montagnes et le plafond était à 4500 pieds. Notre itinéraire après Salerne nous contraignait à monter au niveau 95. Heureusement, nous avons pu maintenir nos conditions VMC sous la couche puis passer dans une clairière de ciel bleu vers un on top jusqu’au milieu de la botte italienne. En arrivant à Brindisi, le contrôleur, à notre grande surprise, nous dit que nous allions pénétrer en zone interdite. Vérification rapide de notre cartographie 100 fois étudiée avant le voyage, contact immédiat avec le contrôleur de ladite zone (d'après nos cartes, nous étions au-dessus de cette zone), qui nous informe que... nous n’avions pas à le contacter puisque nous ne sommes pas dans sa zone. Il nous incite à contacter Brindisi où l’agent précédent, rassuré, nous laisse continuer notre route. Il faudrait un jour l’équiper d’un radar.
Après la verticale Brindisi, nous longeons un temps la pointe de la botte avant la deuxième grande traversée: l’Adriatique. Moments d’émotion: le premier contact radio avec Corfou et le survol de la première terre grecque: l’île d’Othonoï, avec ses falaises, ses eaux au bleu profond, et son petit port: magique ! Un regard sur les 2 autres îles du nord de Corfou, Erikoussa et Mathraki puis direction le point PALE au nord-est de Corfou, l'île aux 2 millions d’oliviers. Là, nous laissons le mont Pantokrator, sommet de l’île, sur notre gauche avec à ses pieds les baies d’Ypsos et de Dassia, riches pour nous tous de souvenirs de vacances. Il y a longtemps que nous avons délaissé les GPS pour nous diriger vers la forteresse de Corfou et la piste 35 à ses pieds, où nous sommes accueillis un petit mot de bienvenue de la contrôleuse grecque.
A l’arrivée, nous découvrons le papier essentiel de l’aviation générale en Grèce: la «General Declaration» qui nous sera demandée à chaque départ et arrivée dans les aéroports grecs. Ce document reprend en fait les caractéristiques de l’avion, le trajet effectué et les noms des pilotes et passagers. L’accueil au bel aéroport de Corfou est sympathique et attentionné. Nous sommes traités comme de vrais VIP: un grand bus vient chercher les 4 occupants du PA 28. Ceci est agrémenté d’une autre bonne surprise: en Grèce, les avions d’aéro-clubs issus de la communauté européenne sont dispensés de taxe d’atterrissage.
Le bleu de la mer et du ciel ne nous quittera plus. L’ouzo devant la mer a des saveurs de vacances même si l’eau qui baigne les îles ioniennes en cette fin avril est encore un peu froide.
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Jean François Schved Écrivain Hématologue Professeur au CHU Montpellier
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